SAMEDI 31 MARS 2018, de 15h à 17h

Rendez-vous à partir de 15h, avec Nadège Moyart pour une découverte par l’écriture du travail de l’artiste Julie Maresq.

Avec l’association Zazie Mode d’Emploi, qui travaille avec les principes du groupe d’écrivain de l’Oulipo, l’espace 36 propose depuis plusieurs années des ateliers d’écriture au public, au sein même des expositions. Grâce aux jeux littéraires proposés, nous invitons les spectateurs à exprimer leurs sentiments et leurs réactions face aux œuvres exposées.

 

 

Julie Maresq veut saisir les liens personnels des personnes avec leurs environnements, déclenchant un questionnement sur la manière dont chacun vit au quotidien son espace. Avec une influence très forte de la peinture et de l’histoire de la photographie, elle établit une mise en scène fondée sur le geste et la lumière. Par un regard décalé allant au-delà des stéréotypes et des préjugés, l’artiste veut amener notre regard au-delà de l’image.

http://www.juliemaresq.com/

http://www.zazipo.net/

Textes écrits lors de cet atelier :

Marie (sur une photographie d’une maison)

Je vois une maison, isolée en plein champ, le ciel au-dessus / comme une abominable machine de mort (sic)
Je sais / par tirage au sort, une abominable / mais quand même
J’entends
Je sens la tranquillité
J’ignore certains mots   / VOLONTAIREMENT /
Je pense : les paupières closes, une autre photo, ailleurs
Je suis sûr(e) ? Je me demande qui oserait ces mots
Je parie sur le temps, le meilleur des risques, le pire
la peau sur le mur, le grain agrandi, comme un animal, je la refuse
l’abominable
machine
de mort
Je vois,  à 14 ans,  nuit et brouillard
Ahmed (sur la photographie d’un dos)
Je vois un corps nu musculeux avec ses vagues de chair
Il ondule pareil à une couleuvre à collier
Je sais qu’il a la chair de poule à cause de la froidure
Pareil à une couleuvre à collier
J’entends sa respiration haletante
N’est-ce pas le signe d’un labeur acharne ?
Je sens la puissance de la chair
N’est-ce pas le signe d’un labeur acharne ?
J’ignore quelle partie du corps s’expose
Qui connaît son visage à présent ?
Je pense que les formes profilent un paysage de monts et de vallées
Qui connaît son visage à présent ?
Je suis sûr que la peau offre sa pleine puissance
Comme une branche fleurie promet l’abondance
Je me demande si le modèle a apprécié la photographie
Est-il indifférent comme une branche fleurie ?
Je pense que la nudité montre l’avenir
Comme une branche fleurie propice à l’été
Je refuse de détacher les yeux de l’œuvre
Un labeur acharné se fait connaître
Je vois la respiration du corps tel un vent du désert
Il connaît un labeur acharné

Fabien (photographie d’une famille sur un bateau)

Je vois un bateau qui navigue dans un marais
Je sais que cette famille a l’air de se marrer.
J’entends le bruit de l’eau et les ricochets.
Je me sens le vent et l’air en fermant les yeux.
J’ignore leur vie , leur passé. Je m’intéresse juste à l’instant présent de cette photographie.
Je pense que cette femme est heureuse et sourit à la vie.
Je suis sûr que leur vie va rempli de bonheur .
Je me demande si leur bonheur va durer éternellement.
Je parie que leur vie est faite de jours heureux.
Je refuse de croire qu’ils sont malheureux.
Je vois une famille radieuse et la joie de vivre.

Nadège (une photographie d’un portrait au yeux clos) 

Je vois l’espace clos de mes paupières : des lignes phosphorescentes dansent sur un fond noir.
Une libellule déprimée, voilà ce à quoi ces lignes me font penser.
Je sais que personne ne peut voir mon regard ni deviner mes pensées.
Une libellule isolée qui s’affole de la montée des ombres.
J’entends le battement de mon cœur et le « clic » de l’appareil photographique.
Une libellule piégée par un regard mécanique.
Je sens la présence de la photographe qui me guette.
– silence –
J’ignore si ma peau agrippe suffisamment la lumière pour faire sourire mon visage sur l’image.
Une libellule lumineuse se pose sur le bout de mon nez.
Je pense que le fond noir m’a presque avalé.
Une libellule, toujours là, tenace.
Je suis sûr de n’avoir peur de rien ou presque.
Et pourtant se faire photographier…
Je me demande si ma peau est une frontière fiable.
Une libellule tigrée est – m’a t-on dit un jour, je ne sais qui – réputée pour guérir le bégaiement et le mutisme.
Je parie que ma soudaine envie de bouger et de hurler de rire est imperceptible.
Une libellule…
Je refuse de croire que je suis là où je suis.
Une libellule morte flotte à la surface de mon esprit.
Je vois l’espace clos de mes paupières : le flash fait une auréole violette qui s’étire sur tous les chemins de mes nerfs.