Journée d’études organisés conjointement par l’espace 36 association d’art contemporain et les Musées de Saint-Omer avec le soutien de la Ville de Saint-Omer et du programme européen EMEE
Patrimoine et art contemporain : Changement de perspectives
Les partenaires culturels associatifs, territoriaux et institutionnels de l’audomarois travaillent conjointement depuis plusieurs années autour de la rencontre entre l’art contemporain et le patrimoine. En s’appuyant sur le territoire frontalier qui compose l’audomarois, les actions se sont naturellement déroulées dans une perspective européenne. La journée d’étude s’est proposé de revenir sur les actions mis en place par les partenaires locaux ces quinze dernières années tout en ouvrant les discussions sur des perspectives générales.
Les scientifiques des musées et du patrimoine :
Après une quinzaine d’années d’actions avec l’espace 36, l’art contemporain a aujourd’hui toute sa place aux côtés du Patrimoine bâti ou muséal sur le territoire audomarois. Toutefois des questionnements subissent sur la manière de les faire cohabiter. Comment ? Où ? Dans quelle condition ?
La question de l’acquisition et de la conservation d’œuvre contemporaine est soulevé par Marie-Lys Marguerite, conservatrice des musées de Saint-Omer. Plusieurs problèmes apparaissent alors : budget d’acquisition restreint, quels critères d’acquisition retenir, absence d’espaces d’exposition nécessaires, absence de pôle d’art contemporain au sein de l’équipe, … Depuis son arrivé en 2012, dans le soucis de proposer une offre dans ce domaine, il a été décidé d’axer les actions en art contemporain autour de la mise en place d’expositions temporaires et d’actions ponctuelles (performances, ateliers, conférences) . Ceux-ci s’intègrent au parcours muséal et interagissent avec les œuvres d’art ancien dans une volonté assumée de confronter deux univers, de les faire interagir, se questionner. Au-delà de l’acquisition de ces créations, c’est la question de la trace de ces actions qui est posée. Leurs présences apportent une lecture plus sensible des œuvres qu’elles côtoient. L’aspect historique de celle-ci est mis alors au second plan.
C’est également cette seconde lecture des œuvres qui est recherchée par les services du Pays d’art et d’histoire. Différentes actions mêlant le patrimoine audomarois et l’art contemporain ont vu le jour ces dernières années. Si elles ont pu prendre des formes différentes elles étaient aussi animées par la volonté commune d’ouvrir la ville aux artistes et de renouveler le regard qui y est porté. Il convient de soulever ici l’importance de la liberté laissée à l’artiste portant son regard sur la ville. Une action riche de sens n’est possible que si l’artiste reste libre dans ses interprétations. Une confiance doit alors s’installer entre les responsables culturels et les artistes.
Si travailler auprès d’artistes contemporains reste une volonté de la part des musées et du service du Pays d’art et d’histoire, c’est la mission première de l’Ecole d’art de Saint-Omer et de l’espace 36 association d’art contemporain. Composante importante du territoire de l’agglomération de Saint-Omer, le Patrimoine est une ressource et un sujet d’étude pour les artistes contemporains. En questionnant la ville, son histoire, son urbanisme, les artistes invités en résidence de création par l’espace 36 ou l’école d’art ont, au cours de ces quinze dernières années, brossé un nouveau portrait du territoire. Il ressort de ces échanges l’envie d’interroger la ville, les œuvres qui composent son histoire et sa culture. Fort de l’expérience menée au sein du territoire audomarois, l’espace 36 a élargie depuis plusieurs années cette confrontation à l’ensemble de l’euro région, demandant par exemple à des artistes contemporains d’interroger le patrimoine matériel et immatériel des musées thématiques. Les différents partenaires ont répondu favorablement à ces projets avec l’envie commune de renouveler le regard porté sur leurs territoires et leurs histoires.
L’envie des professionnels de la culture est de redécouvrir leurs patrimoines tout en se détachant du côté historique et de la recherche scientifique pour laisser les artistes porter leur regard. Ces actions permettent une lecture plus sensible du patrimoine sur lequel nous portons communément un regard emplit de références historiques et scientifiques. Il faut cependant rester conscient de la difficulté pour les professionnels des Musées et du Patrimoine à accepter le changement de point de vue amené par les artistes.
Les artistes :
L’art ancien et le patrimoine peuvent être vu comme des ressources pour les artistes contemporains. Les lieux patrimoniaux chargés d’histoires, les murs sacrés d’un musée, deviennent le théâtre de leurs pratiques. De plus, les artistes s’enrichissent par la proximité avec les œuvres anciennes, la découverte d’objets ayant disparus aujourd’hui et les échanges avec les responsables de lieux. Des thèmes communs y sont développés permettant ainsi une mise en perspective entre art ancien et contemporain. Ces parallèles permettent également un complément de lecture des œuvres.
Le public :
Troisième entité présente dans les discussions de la journée, le public (et le non-public) est également au cœur des préoccupations des professionnels. L’intervention d’artistes contemporain auprès de lieux ou d’œuvres anciennes peut dérouter certaines personnes. Si l’on a pu remarquer que la liberté laissé à l’artiste par les institutions émanait d’une confiance réciproque, l’objectif est maintenant de réussir à donner confiance au public afin qu’il puisse admettre de voir ses acquis chamboulés. Il faut rendre le public actif de son expérience de visite. Musées, lieux patrimoniaux ou centres d’arts doivent être des lieux de vie et d’actions culturelles.
De la part des professionnels il y a également une volonté de mixer les publics. Apporter l’art contemporain dans des lieux patrimoniaux permet d’amener un nouveau publics et vice versa. L’intervention contemporaine est là pour apporter une vision complémentaire. Le Clea de l’audomarois prévoit dans ce sens de nombreuses rencontres entre le publics scolaire, social et individuel. Par le biais de gestes artistiques et de rencontre les artistes peuvent présenter leurs œuvres et leurs projets et lever ainsi les interrogations du public.
Et l’Europe dans tout ça !
Le territoire audomarois propice aux échanges transfrontaliers a bâti depuis toujours des liens européens. Chef de file de projets européens depuis 2005, Benoit Warzée directeur de l’espace 36 a permis de mettre en place de nombreuses actions auprès des musées et du patrimoine du territoire euro régional. Des efforts financiers de la part de l’Europe ont permis également la réalisation de nombreux projets mentionnés durant la journée.
Le programme européen Emee – Eurovision Museums Exhibiting Europe (des musées exposent l’Europe), regroupant sept pays européens, est piloté en France par l’Université Paris Est-Créteil. Ce projet vise à rendre les structures muséales plus accessibles par le biais de projets innovants, d’actions de médiation et propose un changement de perspective sur les collections muséales, notamment par l’intégration de créations artistiques contemporaines. La triple vision scientifiques, artistes, publics encourageant les projets transversaux y est repris. L’adhésion à ce groupe de travail a permis de mettre en avant les préoccupations communes et les interrogations quant au patrimoine européen et sa vision aujourd’hui. Il est intéressant d’échanger entre homologues européens, le rapport au patrimoine, à l’art contemporain et les pratiques étant très différentes d’un pays à l’autre. Plus qu’un échange entre pairs il s’agit là de la mise en place de discutions autour des expériences positives de chacun.
L’art contemporain et le Patrimoine se nourrissent l’un l’autre dans une optique de réciprocité, le dialogue se créant de manière concrète et cohérente. Fruit d’une quinzaine d’année de travail partenarial, les structures du territoire audomarois se sont forgés une identité et des habitudes de travail rendant possible ces croisements. L’effort doit être renforcé aujourd’hui auprès du public afin de donner l’habitude et la confiance nécessaire à la compréhension de ces croisements pouvant être perçus comme iconoclaste.